Actualités Anne Brugirard, Maître-Verrier
Anne Brugirard se destinait d’abord à des études de philosophie, alors qu’elle est en classe préparatoire au lycée Condorcet à Paris. Mais elle veut dessiner. Elle s’intéresse aussi à l’histoire et souhaite être indépendante. L’artisanat d’art regroupe toutes ces aspirations, tout particulièrement le vitrail, qui est avant tout un métier du dessin. Elle apprend le métier à l’École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art (Olivier de Serres). Elle complètera sa formation « universitaire » en faisant une école d’architecture, afin de mieux connaître le bâti, mieux aborder le chantier et dialoguer avec les différents corps d’état, mieux appréhender l’intégration globale du vitrail dans l’architecture, jusqu’à l’obtention du titre d’architecte d.p.l.g.
« Les écoles sont faites pour perdre du temps à apprendre, ce qu’on n’a pas le temps de faire ni trop dans l’apprentissage, ni trop dans le monde actif après, où ce n’est pas facile d’évoluer parce que vous n’avez plus de temps à perdre pour gagner votre vie » explique Anne, qui compare cet enseignement avec le conservatoire de musique : « On y est pour faire des gammes, pas pour faire des concerts. » Les métiers d’art demandent un long apprentissage par la répétition de gestes à copier. Il faut aussi connaître 1200 ans d’histoire du vitrail, les nuances stylistiques, avoir une riche culture chrétienne, sans parler du latin dont beaucoup de vitraux sont couverts…
Puis on apprend sur le chantier tout ce qu’on n’apprend pas à l’école. Anne travaille 10 ans à Paris avant de rejoindre l’Atelier Montfollet à Grenoble. Fondé en 1943 par Paul Montfollet, il a été tenu à partir de 1991 par sa fille Françoise. Puis Anne Brugirard l’a racheté en 1999, après avoir « appris » le chantier avec Paul et Françoise dès 1984 ; elle développe une annexe à côté de Besançon, pour étendre son aire d’activité et revenir au berceau familial.
La France a le plus gros patrimoine mondial de vitraux à entretenir et restaurer. Il y a aussi de la création, pour remplacer des vitraux disparus ou trop abîmés, il faut aimer faire les deux. Les édifices religieux constituent le plus gros de la clientèle ; il s’agit souvent de financements publics (loi de 1905). Les clients privés sont plus rares et souvent pour des chantiers de moindre importance. « Quand on restaure, on passe sur des créations qui ont été faites quelques siècles avant nous, c’est important de respecter, de regarder dans quel état d’esprit était le maître-verrier quand il a peint le vitrail que l’on est en train de restaurer. Il faut mettre ses pas dans les pas d’un maître qui est mort il y a 150 ans par exemple. Et ça aussi c’est intéressant comme démarche, il y a beaucoup d’observation, un gros travail de dessin aussi pour représenter les scènes qui ont été cassées, pour que le vitrail retrouve sa lisibilité et sa beauté. Que le client se dise : Ah bon, c’était cassé ? Mais à quel endroit c’était cassé ? » Explique Anne. Une solide connaissance des arts appliqués, la recherche artistique, restent les moteurs du travail quelle que soit la commande.
Mais il faut aussi aimer le chantier : Anne travaille en amont sur place, pour les mesures et s’imprégner de l’ambiance du lieu, avant une longue période de maturation et d’inspiration, et la réalisation d’un premier dessin. En effet, elle fait une maquette au 10e puis un carton à l’échelle 1, qui va être reporté sur un autre papier dans lequel seront découpés des calibres, patrons de découpe des pièces de verre. Anne choisit les verres, les découpe ; ils peuvent être peints à la grisaille, gravés, colorés au jaune d’argent, etc. Puis les verres sont sertis au plomb soudé à l’étain.
C’est tout cela, les connaissances techniques et intellectuelles, du dessin à la pose du vitrail, qui fait d’Anne Brugirard un maître-verrier. Elle tient à cette appellation, le terme de maître est protégé aujourd’hui, avec la création du label « Maître Artisan en Métier d’Art », un titre qui récompense le savoir-faire, mais aussi l’engagement dans la transmission et dont elle est titulaire. Mais cette protection a entrainé l’usage du terme « vitrailliste », qu’Anne juge « réducteur du métier ». Elle estime qu’il faut 15 années de pratique après un Diplôme des Métiers d’Art pour devenir un bon maître-verrier.
C’est en artisan d’art accompli qu’elle entre en compagnonnage. Anne Brugirard connaît les Compagnons Peintres Vitraillistes de Grenoble depuis longtemps quand ils déclarent qu’ils souhaiteraient qu’elle soit la première femme à rejoindre leur société compagnonnique. « C’était plutôt une surprise, même si j’appréciais les Compagnons et qu’on partageait les mêmes valeurs. J’ai été très honorée et j’ai suivi l’aventure pendant 4 ans, afin de faire le cycle « jeune – aspirant – compagnon ». Je me suis fondue parmi les jeunes pour voir comment ça se passe de l’intérieur… J’ai été dispensée de deux choses, faire partie de l’équipe de rugby et faire le tour de France ! C’est une aventure dont je suis très heureuse et j’y participe du mieux que je peux, en prenant en compte mon emploi du temps chargé sur deux ateliers, en Isère et en Franche-Comté. »
Est-il possible de lancer un tour de France dans le domaine du vitrail ? Le problème est qu’il y a peu d’artisans, à peine 400 à faire du vitrail en bâtiment. Il faut aussi pouvoir proposer du « haut de gamme », amener nos itinérants au niveau DMA. Anne ajoute : « Un Compagnon des Devoirs Unis m’a contacté, ils ont reçu une fille qui a fait la même école que moi… Peut-être devrions-nous coopérer ? » À suivre…
Le site de l’atelier Montfollet:
Le très beau film de Jean-Christophe Monnier sur Anne Brugirard:
Rencontre avec Gwendal Lecomte, Compagnon maçon spécialisé dans le bâtiment ancien et les matériaux biosourcés.
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