Actualités Escale sur l’île d’émeraude
Le choix de l’ébénisterie
Mayalen Vallette d’Osia a 26 ans. Passionnée par l’art et l’artisanat, elle effectue un stage au lycée chez un ébéniste. Stage révélateur en ce qu’il confirme sa passion pour ce métier. Elle entame pourtant une année de mise à niveau en art appliqués (MANAA) après l’obtention d’un Bac S. À la suite de cela, elle obtient un BTS en design de produit. Pourquoi ne pas s’être lancée tout de suite dans l’ébénisterie après le Bac ? « Ce n’est pas un métier de femme », c’est ce qu’on lui a dit.
Les places en atelier ne sont pourtant pas réservées au genre masculin, et pour Mayalen, c’est décidé, elle deviendra ébéniste. «Je me retrouve beaucoup mieux derrière un établi que derrière un bureau d’études». Une décision qui l’amènera à passer un CAP ébéniste au CFA de la Bonne Graine à Paris. En stage à Orléans durant sa deuxième année, elle rencontre les Compagnons du Tour de France lors de cours du soir. C’est aujourd’hui sa troisième année en tant qu’itinérante sur le Tour de France, elle a choisi de la passer en Irlande.
Travailler en Irlande
Non loin de Dublin dans le comté de Laois, Mayalen travaille depuis quelques mois en atelier d’ébénisterie de luxe, chez Zelouf and Bell. «Techniquement, les bases de l’artisanat sont les mêmes, c’est la manière de travailler des irlandais qui est différente de la nôtre car la mentalité n’est pas la même», explique-t-elle. Dans cette entreprise à taille humaine, il n’y a pas besoin de forcer sa voix afin de se faire entendre, Mayalen se sent écoutée : «La patronne demande souvent notre avis sur des chantiers. C’est à la fois très intéressant et très difficile car il faut oser partager sa pensée». La fraternité ne s’arrête pas là, «Les chefs cuisinent pour nous le midi et le vendredi il arrive souvent qu’on fasse le ‘‘Friday dessert’’, la dernière demi-heure de travail, on mange du gâteau tous ensemble pour discuter des projets», indique-t-elle.
Est-ce que le travail d’ébéniste en Irlande diffère de celui en France? Mayalen Vallette d’Osia se lance dans une explication minutieuse, une explication qui fait chanter sa voix de passion pour son métier. «En Irlande comme en France, il y a plusieurs types d’ateliers possibles. Certains ateliers sont consacrés à la réalisation de dressings, de cuisines, etc. Là où je suis c’est différent. Je suis dans un atelier d’ébénisterie traditionnelle où par exemple, on travaille du panneau, du placage, du massif. En fonction des ateliers les approches diffèrent et les matériaux aussi. On travaille le placage, la nacre et des matières connexes au bois comme le galuchat. Les matériaux qu’on utilise sont nobles. On travaille vraiment avec de belles matières. Cela rend les projets particulièrement intéressant. Par exemple, on a déjà utilisé du sycomore ondé qui était tinté, du palissandre et il y a aussi des marqueteries sur lesquelles il y a pleins de bois différents.»
Les belles matières, la jeune ébéniste les admire. Toutefois, ce qui la fascine profondément c’est le détail de chaque œuvre, «On ne travaille pas au millimètre mais au dixième de millimètre près. En matière d’usinage, s’il faut qu’il y ait un dixième de plus, il faut qu’il y soit car même si on ne le voit pas à l’œil nu cela peut impacter toute l’œuvre». Le souci du détail ne s’arrête pas là, «Les marqueteries, par exemple, sont extrêmement détaillées. Il y a un travail énorme derrière. On ne passe pas une ou deux couches de vernis pour les finitions, on peut se retrouver à en passer sept ou dix car on recherche quelque chose en particulier, que ce soit mat ou brillant, que le grain soit rempli à fond ou non.»
L’importance de voyager
Envoutée par le charme celte de l’île d’émeraude, la jeune ébéniste recommande vivement aux jeunes qui hésitent à faire étape en Irlande pour le Tour de France d’oser se lancer. «Tu ne perds pas ton temps à y aller», affirme-t-elle. Être confronté à la nouveauté, cela force à apprendre à se débrouiller, à devenir indépendant, «c’est une embauche où l’objectif est de transmettre le savoir-faire. J’ai énormément appris, on m’a confié des responsabilités sur des chantiers».
Mayalen Valette d’Osia n’a pas encore fini son année en Irlande, mais à travers le dépaysement vécu elle a le sentiment de vivre l’essence même du Tour de France. Elle a su s’adapter à un nouvel environnement, apprendre à travailler dans le froid, l’humidité et avec de nouveaux matériaux. Elle a su franchir la barrière de la langue.
Juste avant de clôturer son récit Mayalen prends une grande inspiration, comme pour illustrer la bulle d’oxygène que représente cette expérience pour elle, puis elle déclare: «Au sein de mon entreprise j’ai vraiment retrouvé les valeurs du Compagnonnage. La transmission des savoirs, la fraternité, ce sont des valeurs qui transparaissent».
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